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ment trompées (ce qui est notre opinion), elles n’en ont pas moins droit à notre profond respect pour leur sincérité, pour leur héroïque courage.

Ce qui peut faire songer d’abord et paraître surprenant, c’est que des caractères, entre tous, bons et humains, des cœurs généreux et tendres, se trouvaient justement parmi ceux qui votèrent la mort. Il n’y a jamais eu un homme plus sensible que le grand homme qui organisa les armées de la République, le bon, l’excellent Carnot. Il n’y a point eu de caractères plus héroïquement magnanimes que les deux beaux-frères bordelais, Ducos et Fonfrède, jamais il n’y en eut de plus aimable, aucun qui exprimât mieux le brillant et doux génie, l’esprit éminemment humain du pays de Montesquieu. Ces deux jeunes gens étaient de ceux que la France eût montrés au monde pour le séduire à la liberté par le charme de la civilisation. Point d’esprits plus indépendants, plus affranchis par la philosophie ; sortis de familles marchandes, ils protestèrent plus d’une fois contre l’aristocratie mercantile. Admirables de pureté, de sincérité, de candeur, ils touchèrent jusqu’à Marat. Il essaya de les sauver du sort commun des Girondins. Leur grand cœur ne le permit pas. Ils luttèrent intrépidement, jusqu’à ce qu’ils obtinssent le même sort, la même couronne.

N’accusez point de barbarie ceux qui ont voté la mort. Ce n’était pas un barbare, le grand poète Joseph Chénier, l’auteur du chant de la Victoire. Ce n’était point un barbare, Guyton-Morveau,