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beaucoup à espérer, sous ce rapport, du faubourg Saint-Antoine. Quoique la misère y fût excessive et la passion violente, il y avait dans cette population beaucoup plus de respect des lois qu’on ne l’a cru généralement. J’ai sous les yeux les procès-verbaux des trois sections du faubourg (Quinze-Vingts, Popincourt et Montreuil)[1]. Rien de plus édifiant. Il y a bien moins de politique que de charité ; ce sont des dons innombrables aux femmes de ceux qui sont partis, aux vieux parents, aux enfants. Du reste, le faubourg ne formait nullement un corps ; les trois sections avaient un esprit très différent, étaient jalouses l’une de l’autre. Leurs assemblées étaient

  1. Archives de la Préfecture de police. — On voit que les actes publics sont ici, comme bien souvent, en contradiction avec l’histoire convenue, les prétendus Mémoires, etc. Ceux-ci ont généralement appliqué au faubourg, en 1793, ce qui est bien plus vrai des sections des Gravilliers, de Mauconseil et du Théâtre-Français. Généralement j’ai préféré l’autorité des actes à celle des récits. Entre ceux-ci, il y en a très peu de vraiment historiques. Les Mémoires de Levasseur, instructifs, admirables pour les pages où il raconte ses missions militaires, n’apprennent rien pour l’intérieur ; ils semblent faits avec des rognures de journaux. — Les Mémoires de Barère, édités par deux hommes du caractère le plus honorable, n’en sont pas moins pleins d’erreurs, erreurs volontaires, mensonges calculés, par lesquels Barère a cru sans doute pouvoir tromper l’histoire et refaire sa triste réputation.
    xxxxLes Souvenirs de M. Georges Duval ne sont qu’un roman royaliste. — L’intéressant ouvrage de M. Grille (sur le 1er bataillon de Maine-et-Loire) contient, parmi les pièces historiques, nombre de lettres visiblement inventées, fort ingénieuses du reste et propres à faire connaître l’esprit du temps, les opinions populaires. — J’ai déjà parlé de la fausse Correspondance de Louis XVI, un faux grossier, que MM. Boux et Buchez ont cité gravement comme une collection de pièces authentiques. — Les Mémoires de Barras, naturellement suspects pour le Directoire, ne le sont nullement pour 1793 ; ils témoignent au contraire d’une extrême impartialité ; retenu presque toujours dans les missions militaires, Barras est très peu influencé par les discordes intérieures de la Convention. Je remercie M. Hortensius de Saint-Albin de m’avoir obligeamment communiqué les premiers livres de ces importants Mémoires.