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contre la Convention ; sur quoi le Girondin Ducos demanda l’ordre du jour. Legendre, avec l’accent d’un honnête homme, d’un vrai patriote, dénonça la coupable légèreté d’un de ses collègues, le Montagnard Bentabole, qui, du geste et du regard, avait donné aux tribunes le signal de huer la droite, avec d’ironiques applaudissements.

Ces insultes étaient-elles fortuites ? Ou devait-on les attribuer à un système exécrable d’avilir la Convention ? Les violents pensaient-ils qu’un pouvoir bravé chaque jour, insulté impunément, serait déjà, par cela seul, désarmé dans l’opinion, qu’on ferait meilleur marché d’une Assemblée imbécile qui, ayant la toute-puissance, se laissait marcher et cracher dessus.

Qui donc énervait la Convention, en réalité ? Comment expliquer le phénomène de son impuissance ? Par la terreur ? Il y avait, en effet, autour d’elle beaucoup de bruit, de menaces ; toutefois je ne vois point que cette foule aboyante ait frappé ni blessé personne autour de la Convention. Les cinq cents députés du centre, protégés par leur obscurité, pouvaient sans nul doute voter au scrutin secret les mesures énergiques qui leur furent souvent proposées. Qui les arrêta ? La crainte de remettre le pouvoir à ceux qui les proposaient, à la droite ou à la gauche. Cette grande masse muette du centre avait ses guides muets ; Sieyès et autres politiques y avaient beaucoup d’influence ; elle suivait d’ailleurs, d’instinct, un sentiment mixte de défiance