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l’armée de sa souveraine, sagement, honnêtement, repasserait la frontière[1].

Ceci en 1792. En 1793, tout change. L’Impératrice a une peur subite des Jacobins polonais. Elle aimait la liberté à tort, elle se convertit. Une farce nouvelle commence. Qu’il y eût quelques Jacobins dans les villes, on le comprend. Mais les villes comptent bien peu dans cette vaste Pologne, à peine un peu plus qu’en Russie. Les paysans étaient à cent lieues de ces idées. La noblesse, qui était le grand corps de la nation, pouvait-elle sérieusement, vraiment, être jacobine ? Elle y aurait tout perdu.

Cette comédie hideuse, et qui ne trompait personne, eût dû rendre exécrables au monde les trois voleurs couronnés. Ce fut le contraire. L’Angleterre, jusque-là jalouse des progrès de la Russie, est prise tout à coup d’amitié, de tendresse pour elle. La loyauté de la Prusse, de l’Autriche, lui gagne le cœur. L’Europe est réconciliée. La fraternité règne entre les rois. Beau spectacle et doux ! La France seule fait un accident pénible dans cet aimable tableau.

On ne voit pas que les rois de cette époque aient été plus mauvais rois que ceux d’avant ou d’après. Leur conduite ici révèle seulement ce qui dans tous les temps fut le fond du cœur royal, le résultat

  1. Je ne puis comprendre comment les Polonais, acharnés à leurs discordes au point d’en oublier l’Europe, n’ont pas publié, répandu tant de livres qu’elle eût dévorés, les Mémoires de Niemcewicz, une traduction des Mémoires du cordonnier Kilinski, etc.