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fait sortir Roland, destitué par Louis XVI. Il lui présenta un joli bouquet pour obtenir grâce : et elle le reçut bien, le complimenta ; mais elle lui dit en même temps, avec une franchise toute romaine, qu’on le jugeait royaliste ; que plus il avait de talent, plus il était dangereux ; que la République se garderait bien de lui subordonner les autres généraux, que tous seraient indépendants. Cette défiance était naturelle. Dumouriez, présenté à la Convention, avait éludé dans son discours ce qu’on attendait curieusement de lui, le serment de fidélité à la République. Il avait dit avec une légèreté hardie qui n’imposa à personne : « Je ne vous ferai point de nouveaux serments ; je me montrerai digne de commander aux enfants de la liberté et de soutenir les lois que le peuple souverain va se faire par votre organe. »

Le soir, il fut reçu aux Jacobins avec une extrême froideur. Dans un discours spirituel, Collot d’Herbois lui reprocha « d’avoir reconduit le roi de Prusse avec trop de politesse ». Danton même, qui semblait ne faire qu’un avec Dumouriez et qui tout autant que lui avait reconduit le roi de Prusse, fut obligé de suivre l’opinion de la société, qu’il avait voulu présider ce jour-là. Il lui dit : « Console-nous par des victoires sur l’Autriche de ne pas voir ici le despote de la Prusse. »

Quelque défiance qu’inspirât la pensée intérieure de Dumouriez, il eût été insensé, impossible d’éloigner, sur des soupçons, un général qui venait de rendre un si grand service. On ne marchande pas