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était toute guerrière ; Paris, revenu brusquement de l’effroyable panique qui causa le 2 septembre, avait passé, sans transition, à l’état contraire. Les clubs ne respiraient plus que guerre et combat ; ils se demandaient pourquoi le roi de Prusse n’était pas encore ici, lié, garrotté. « Il y a quelque chose là-dessous… Dumouriez trahit », etc.

Dans la réalité, les Prussiens n’avaient rien perdu, n’étaient nullement entamés, ne se retiraient même point. Ils restèrent immobiles pendant douze jours après la bataille. Ils avaient reçu des vivres et n’éprouvaient aucun besoin de partir. L’honneur engagé du roi de Prusse, son orgueil cruellement mortifié, l’attachaient et l’enracinaient, ce semble, dans la terre de France. Deux généraux illustres de notre ancienne monarchie, les ducs de Broglie et de Castries, ne bougeaient de son conseil, persistaient à affirmer la facilité de l’expédition, la supériorité réelle de son armée, la probabilité infinie de vaincre, lorsqu’à de simples milices on opposait des soldats.

Le roi de Prusse était fort troublé, fort partagé. Dans son camp, dans sa tente, il y avait une guerre ; elle existait dans son cœur même.

L’affaire de l’invasion y était fort secondaire, en comparaison d’une autre qui le tourmentait beaucoup, une intrigue de cour, un changement de favoris. Ceux-ci étaient de deux sortes, les uns partisans de la guerre, poussés, payés peut-être par la Russie et l’Autriche, qui avaient lancé le roi dans sa croisade étourdie. Les pacifiques se disaient le