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en revenir. Beaucoup, dans ce violent état d’esprit, étaient véritablement malades de corps. Le type de ces malades, Robespierre, était à la gauche ; mais plusieurs, à droite, ne souffraient pas moins. Plusieurs, qui ne parlaient pas, passaient de longues séances, les yeux fixés sur leurs adversaires, maigrissant à les regarder, blêmissant et s’épuisant à les deviner, croyant pénétrer leurs pensées, et sur un mot, sur un geste, se créant les plus terribles systèmes.

La double énigme sur laquelle ces malheureux Œdipes tendaient toutes leurs facultés divinatrices, c’était Robespierre et Danton. Sur le premier, ils étaient arrivés à l’idée juste qu’il était absolument incapable, comme action ; mais ils en tiraient l’idée fausse qu’il ne serait qu’un instrument dans la main de son puissant rival. Plusieurs étaient d’avis, pour cela même, de briser cet instrument, d’attaquer d’abord Robespierre. D’autres, croyant voir Danton si près de la tyrannie, ne voulaient pas perdre un moment pour le démasquer. Tous, à force d’y songer, ils s’étaient fait de l’avenir un roman étrange, qui montre combien les esprits les plus raisonneurs, une fois dans la passion et mettant le raisonnement à son service, peuvent aller loin dans l’absurde. Sans doute aussi, la terreur du 2 septembre, les ombres de ces nuits sanglantes où chacun fut mort du cœur, ne contribuèrent pas peu à obscurcir les esprits, à les tenir faibles et troubles, à l’état de rêve.

Il semble que la Montagne et les hommes de