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un développement sentimental dans le style de la Nouvelle Héloïse.

La lecture de cette pièce, nullement justificative, fut suivie d’une comédie pitoyable que la Convention dut endurer encore par égard pour les tribunes, qui la prirent au sérieux. Marat parut s’attendrir : « Voilà donc le fruit de trois années de cachots et de tourments !… le fruit de mes veilles et de mes souffrances !… Quoi donc ! si ma justification n’eût paru, vous m’auriez voué au glaive des tyrans ? Cette fureur est indigne d’hommes libres ; mais je ne crains rien sous le soleil… (Là, il tira un pistolet de sa poche, se l’appliqua au front.) Je déclare que, si le décret d’accusation eût passé, je me brûlais la cervelle au pied de la tribune. » Beaucoup rirent, beaucoup s’indignèrent ; le charlatan venait d’imiter à froid le mouvement bien connu des deux jeunes Marseillais qui, la veille du 10 août, à l’Hôtel de Ville, se mirent le pistolet au front, menaçant de se tuer, si on ne leur donnait des cartouches.

Les tribunes admirèrent, mais dans la Convention le dégoût arriva au comble ; plusieurs ou se détournèrent ou montrèrent le poing, criant : « À la guillotine ! » Lui, impudemment : « Eh bien, je resterai parmi vous pour braver vos fureurs… »

L’Assemblée était fatiguée. Le centre craignait les tribunes ; il passa tout entier à gauche. Un homme de septembre, Tallien, demanda « qu’on fit trêve à ces scandaleuses discussions, qu’on laissât les individus ». Il obtint l’ordre du jour.