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bientôt attendre ; il rentra terrifié. Sa maîtresse, Mme de Buffon, s’écriait, joignant les mains : « Mon Dieu ! on portera aussi bientôt ma tête dans les rues. »

Ce triomphe de l’abomination, l’infâme insolence d’un si petit nombre de brigands qui forçait tout un peuple à salir ainsi ses yeux, produisit une violente réaction de la conscience publique. Le voile pesant de terreur qui enveloppait Paris sembla un moment se lever. Les ministres de la guerre et de l’intérieur vinrent demander à l’Assemblée des mesures d’ordre et de paix, non pas au nom de l’humanité (personne n’osait plus prononcer ce nom), mais au nom de la défense. L’ennemi avançait, il venait de prendre Verdun. Cet événement, nié, affirmé, nié encore, fut annoncé cette fois d’une manière officielle. L’ennemi avançait, marchait vers Paris, et il allait le trouver dans l’état d’extrême faiblesse qui suit une orgie sanglante, dans l’ignoble lendemain d’un jour d’ivresse furieuse, hébété de peur, soûl de sang.

Les ministres eurent raison d’affirmer que les excès commis dans Paris étaient une faiblesse et non une force, qu’ils étaient un obstacle, une entrave à la défense ; ils demandèrent que l’Assemblée restât complète toute la nuit et qu’elle mît la garde nationale sous les armes. Ils ne firent nulle mention de la Commune, ni du commandant de la garde nationale Santerre ; il semblait difficile, en effet, de demander la fin du massacre à ceux qui l’avaient commencé.