Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/61

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le roi, au Bourget, demanda et but du vin pour se remettre le cœur. L’entrée était effrayante de cris et de hurlements ; la foule couvrait tout jusqu’aux toits. On jugea avec raison qu’il y aurait le plus grand danger à s’engager dans le faubourg et la rue Saint-Martin, célèbres depuis l’horrible histoire de Berthier. On tourna Paris par le dehors, on traversa les Champs-Élysées, la place Louis XV, et l’on entra aux Tuileries par le pont tournant. Tout le monde avait le chapeau sur la tête ; pas un mot dans toute cette foule ; ce vaste silence, sur cette mer de peuple, était une chose terrible. Le peuple de Paris, ingénieux dans sa vengeance, ne fit qu’une insulte au roi, un signe, un reproche muet. À la place Louis XV, on avait bandé les yeux à la statue, pour que l’humiliant symbole représentât à Louis XVI l’aveuglement de la royauté.

La lourde berline allemande roulait lente et funèbre, les stores à demi baissés ; on croyait voir le convoi de la monarchie. Quand les troupes et la garde nationale se rencontrèrent aux Tuileries, elles agitèrent les armes et fraternisèrent entre elles et avec le peuple. Union générale de la France et une seule famille exclue ! Seule allait la triste voiture, sous l’excommunication du silence. On aurait pu la croire vide, si un enfant n’eût été à la portière, demandant grâce au peuple pour ses parents infortunés.

On épargna à la famille royale l’horreur et le danger de traverser cette foule hostile dans la