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nave, c’était bien pis ; en lui l’on voyait l’odieuse trinité (Duport, Barnave et Lameth) d’intrigants, d’ingrats, de gens, en outre, envers qui l’on avait un tort récent, que l’on avait fait semblant de consulter et de croire, qu’on avait amusés, trompés ; et maintenant la fatalité voulait qu’on tombât dans leurs mains.

Pétion choqua d’abord infiniment, en déclarant que, représentant de l’Assemblée, il lui fallait siéger au fond. Cela obligea Madame Élisabeth de passer sur le devant de la voiture ; Barnave s’y assit près d’elle, en face de la reine.

Barnave, âgé de vingt-huit ans, avait la figure fort jeune, de beaux yeux bleus, la bouche grande, le nez retroussé, la voix aigre. Sa personne était élégante. Il avait l’air audacieux d’un avocat duelliste, tout prêt aux deux sortes d’escrime. Il semblait froid, sec et méchant, et ne l’était point au fond. Sa physionomie n’exprimait en réalité que sa vie de luttes, de dispute, l’irritation habituelle de la vanité.

Il annonça tout d’abord l’intention royaliste du parti qui l’envoyait. Quand il eut lu tout haut le décret de l’Assemblée, le roi dit « qu’il n’avait jamais eu l’intention de sortir de France ». Alors Barnave, saisissant vivement cette parole : « Voilà, dit-il à Mathieu Dumas, lieutenant de La Fayette, voilà un mot qui sauvera le royaume. »

La reine remarquait cependant que le jeune député se retournait fréquemment pour voir les gardes du