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Bien des cœurs s’émouvaient, en France, en Europe, à cette image tragique du royal Ecce homo, montré sous le bonnet rouge, ferme pourtant sous les outrages, disant : « Je suis votre roi. »

Voilà pour le sentiment. Mais les choses étaient les mêmes. Le combat des deux idées s’était précisé nettement. La masse révolutionnaire, venant heurter aux Tuileries, avait compte n’y trouver que l’idole du despotisme, et elle se trouvait avoir rencontré la vieille foi du Moyen-âge, entière et vivante encore, et, même sous le visage prosaïque de Louis XVI, belle de la poésie des martyrs.

Grand spectacle ! où disparaissent les hommes… Restent en présence deux idées, deux fois, deux religions !… Chose inouïe, effrayante, comme si, en plein midi, nous voyions deux soleils au ciel !

Tous deux bénis ou blasphémés ! mais les nier ? Qui le pouvait ? Le soleil de la Révolution, née d’hier, déjà immense, inondait les yeux de lumière, les âmes de chaleur et d’espoir ; toujours grandissant, d’heure en heure, il montrait déjà que bientôt son rival du Moyen-âge irait pâlissant dans les profondeurs obscures.

Il était dur, faux, injuste de reconnaître la foi dans le refus de Louis XVI et de ne point la reconnaître dans la demande du peuple. Il ne faut pas envisager le 20 juin comme une émeute, un simple accès de colère. Le peuple de Paris y fut l’organe violent, mais le légitime organe du sentiment de la France. Il fut comme l’avant-garde du mouvement