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jours en poche, la citant à ses ministres, avait dominé ses scrupules et jouait au jeu dangereux de tuer la Révolution par la constitution.

La foule comprenait très bien que le roi ne ferait rien, et elle entrait en fureur. Plusieurs, de colère ou d’ivresse, faisaient mine de se jeter sur lui. Ils le menaçaient de loin avec des sabres et des épées. Voulaient-ils le tuer ? La chose eût été bien facile ; le roi avait peu de monde autour de lui, et plusieurs des assaillants, ayant des pistolets, pouvaient l’atteindre à distance. — Il est trop évident que personne, au 20 juin, n’avait encore cette pensée. On ne l’eut pas même au 10 août.

Je sais bien que, longtemps après, le colérique Legendre, poussé par Boissy d’Anglas, l’homme de la réaction, qui lui demandait si vraiment on avait voulu tuer le roi au 20 juin, répliqua avec violence : « Oui, Monsieur, nous l’aurions voulu. » Pour moi, ceci ne prouve rien. Toute la suite montre que beaucoup de ceux qui prirent le rôle de la fureur, comme Danton, comme Legendre, se sont vantés, par bravade, d’une infinité de crimes et de violences auxquels ils n’ont jamais songé.

Ce qu’on voulait, c’était d’épouvanter, de convertir le roi par la terreur. Un homme portait au bout d’une pique un cœur de veau, avec cette inscription : Cœur d’aristocrate. Sur une autre enseigne qu’on portait, on voyait une reine pendue.

Le plus grand danger pour le roi, c’est qu’il risquait d’être étouffé. On l’avait fait monter sur une banquette