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admis dans l’Assemblée était pour eux une fête. L’Église commençant d’apparaître ce qu’elle était, l’ennemie du peuple, à quelle église donc, à quel autel, ces infortunés auraient-ils eu recours ? N’était-ce pas au temple de la Loi, à l’Assemblée nationale ? Ils y allaient en pèlerinage, comme faisait le Moyen-âge aux sanctuaires fameux, dans les grandes calamités.

Ils arrivèrent assez tard, et déjà beaucoup d’entre eux, levés dès trois ou quatre heures du matin, debout tout le jour, obligés pour se soutenir de demander quelque force au vin frelaté de Paris, se trouvaient à l’Assemblée dans un état peu digne d’elle. Plusieurs dansaient en passant, criaient : « Vivent les patriotes ! vivent les sans-culottes ! à bas le veto ! » Dans cette foule chantante et dansante, il y avait, contraste cruel ! des faces hâves et décharnées, vraies figures du désespoir, des infortunés qui, malgré l’excès des privations, s’étaient efforcés de se traîner là, des femmes pâles et peut-être à jeun, menant des enfants maladifs. Ils semblaient n’être venus que pour montrer à l’Assemblée à quelles extrêmes misères elle avait à remédier. Le petit moment de bonheur, de confiance, de consolation, qu’ils avaient en traversant ce lieu d’espérance, ils le marquaient par quelque cri joyeux, sauvagement joyeux, ou par un triste sourire, s’ils ne pouvaient crier. Cette joie eût été effrayante, si elle n’eût été douloureuse.

Rien n’ayant été prévu pour l’écoulement de cette