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de lui de grandes forces matérielles. Il croyait avoir deux armées : les Royalistes, concentrés à Paris, où il y avait, disait-on, jusqu’à douze mille chevaliers de Saint-Louis ; plus, la garde constitutionnelle, qui, toute licenciée qu’elle était, touchait paisiblement sa solde, se tenait prête à agir. L’autre armée, c’étaient les Feuillants, très nombreux dans la garde nationale, et qui avaient tous les officiers, beaucoup de soldats dans le camp de La Fayette. Il suffisait, disait-on, que le roi fit un signe, et La Fayette arrivait.

L’insolence des fayettistes et la vive opposition de ce parti et de la Gironde, qu’on accusait tant d’être unis, éclatèrent dans une visite que deux aides de camp de La Fayette firent à Roland, sans à-propos, sans prétexte vraisemblable, comme s’ils n’eussent voulu voir le ministre que pour chercher une occasion de querelle. Ils lui dirent ce qu’ils avaient dit déjà dans les cafés et partout, qu’il fallait augmenter les troupes, que les soldats étaient des lâches, etc. Roland prit mal ce dernier mot, défendit l’armée, l’honneur de la nation, dit qu’il fallait accuser l’officier plus que le soldat ; il écrivit à La Fayette les propos déplacés de ses aides de camp. La Fayette répondit en vrai marquis de l’Ancien-Régime, qu’ils n’avaient pu se confier à un homme « que personne ne connaissait, dont la nomination, insérée dans la Gazette, avait révélé l’existence » ; qu’il ne croyait pas un mot du récit ; qu’il haïssait les factions, méprisait leurs chefs.