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vaient être décisifs. Le général des Feuillants, l’homme qui, le 17 juillet, avait exécuté leurs ordres et cru un moment restaurer le trône à coups de fusil, avec quelle autorité ne parlerait-il pas de Bruxelles à Paris, commandant aux factions l’ordre et le silence, au nom de la victoire ? Les Jacobins atterrés, à qui s’adresseraient-ils, pour ne pas périr, sinon au ministre habile, hardi, qui, sous le bonnet rouge, leur aurait porté ce coup ? Feuillants, Jacobins, le peuple et le roi, tous balancés les uns par les autres, se trouveraient, en réalité, dans la main de Dumouriez.

Ce plan était ingénieux. Dumouriez, porté au pouvoir par la Gironde, par son triomphe sur le roi, employait le pouvoir qu’elle venait de lui donner au profit du roi et des Feuillants contre la Gironde et les Jacobins ; toutefois, non pas tellement sans doute qu’il voulût laisser écraser les Jacobins par les Feuillants ; à ce moment, selon toute apparence, il se fût refait Jacobin, assez pour neutraliser tout et dominer les partis.

Dans ses Mémoires, pleins d’esprit, d’artifices, de réticences et de mensonges, il y a toutefois ce naïf aveu, ce trait de lumière : qu’il n’osait, par-devant le public et l’opinion, nommer le Feuillant La Fayette général en chef, mais qu’en réalité, une fois en pays ennemi, se trouvant supérieur en grade aux officiers généraux que Rochambeau lui prêtait, La Fayette commandait seul, seul prenait Namur et Bruxelles.