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gence. Le jeune député Gouvion, frère d’un garde national tué à Nancy, déclare qu’on ne peut le forcer à accueillir, à voir en face les meurtriers de son frère. Il sort. L’Assemblée, après deux épreuves douteuses, décide qu’ils seront admis. Leur défenseur officieux, Collot, exprime leur reconnaissance. Les tribunes les applaudissent. Une foule de gardes nationaux sans armes, des Parisiens, des Bretons, des Suisses, puis une foule mêlée, hommes et femmes, portant des drapeaux, défilent joyeusement. Gonchon, le Cicéron ordinaire du faubourg Saint-Antoine, dit, en son nom, qu’on y fabrique dix mille piques pour la défense de l’Assemblée et des lois. « Nous en dirions davantage ; mais déjà nous avons tant crié : « Vive la constitution ! vive l’Assemblée nationale ! » que nous en sommes enroués !… » On applaudit et l’on rit.

La fête qui suivit bientôt fut intitulée du beau nom : Fête de la liberté. Au souffle de guerre qui la vivifiait, on sentait qu’il s’agissait, cette fois, du triomphe anticipé des libertés du monde, et qu’ici la Suisse française, fêtée en ces pauvres soldats, était l’heureuse avant-garde de la délivrance universelle. La statue de la Liberté était traînée sur un char terminé en proue de galère. Les chaînes brisées des victimes étaient portées, chose touchante, par nos femmes et par nos filles. Ces vierges, en blanches robes, touchaient, sans hésitation, le fer rouillé des galères, purifié par leur main. Au Gros-Caillou, au Champ de Mars, les rondes commencèrent,