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et héroïques dans le Sein de chaque famille. Un frère partant, tous les autres, en bas âge, voulaient partir et juraient qu’ils étaient hommes[1]. La jeune fille ordonnait à son amant de s’armer, fixait les noces à la victoire. La jeune femme, tout en larmes et les bras chargés de petits enfants, menait son époux elle-même et lui disait : « Va, ne regarde pas si je pleure, sauve-nous, sauve la France, la liberté, l’avenir et les enfants de tes enfants. »

Guerre sublime ! guerre pacifique, pour fonder la paix éternelle ! guerre pleine de foi et d’amour, inspirée de cette pensée, si attendrissante et si vraie alors : que le monde en ce moment avait même cœur et voulait la même chose ; qu’il s’agissait d’écarter, le fer à la main, les barrières de la tyrannie qui nous séparent barbarement ; que ces barrières abaissées, il n’y avait plus d’ennemis, que ceux qu’on croyait les nôtres allaient se jeter dans nos bras !

La beauté de ce moment, c’est que l’âme de la France y fut tout assise en la foi, qu’elle tourna le dos au raisonnement, aux petits calculs, qu’elle laissa les raisonneurs, Robespierre, La Fayette et autres, se traîner, à plat ventre, dans la logique et la prose, s’enquérir inquiètement du possible et du raisonnable.

Oui, la guerre était absurde, dans les seules don-

  1. On peut citer mille exemples. J’en donnerai un seul, celui des trois frères Levavasseur, de Rouen.

    Les deux plus jeunes partirent, parce que l’aîné partait… Ils sont devenus tous trois généraux… Le plus jeune de ces hommes héroïques a survécu.