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ironie machiavélique, qu’il fallait amuser le peuple : « Mon cher Manuel, disait Desmoulins, les rois sont mûrs, il est vrai ; le bon Dieu ne l’est pas encore. »

La pensée, mieux voilée, de Robespierre était néanmoins transparente. L’intention politique n’était pas méconnaissable dans ces paroles religieuses. Ce grand nom de la Providence, exploité ainsi, faisait mal. Ce miel de religion dans une bouche si amère, c’était chose intolérable.

Combien plus pour les hommes d’alors, nourris de la philosophie du siècle, plus que jamais en lutte avec les prêtres, et qui malheureusement ne voyaient que les prêtres dans la religion ! Le Girondin Guadet, mêlant un éloge à l’attaque, dit qu’il s’étonnait de voir « qu’un homme qui avait, avec tant de courage, travaillé à tirer le peuple de l’esclavage du despotisme, concourût à le ramener sous l’esclavage de la superstition ».

L’étourdi donna à Robespierre la prise qu’il attendait. Ce fut un heureux appel qui tira de sa mémoire un de ces morceaux, parfois excellents, habilement travaillés, qui tenaient longtemps la lampe allumée passé minuit, aux mansardes de Duplay. Tout n’était pas habileté, il faut l’avouer aussi ; il y avait, dans cette éloquente réponse, quelque chose d’un sentiment vrai. Nul doute que Robespierre, à son époque de solitude et de souffrance, n’ait pu être refoulé vers Dieu, qu’il n’ait relu volontiers les consolantes pages du Vicaire savoyard. Seulement ici, il répondit à ce que Guadet ne disait pas. Il répondit sur l’exis-