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à faire une distinction essentielle entre les officiers ; que plusieurs étaient réellement amis de la Révolution. Cela ne sera pas mis en doute par ceux qui savent que plusieurs des plus purs, des plus respectables amis de la liberté qui se soient trouvés dans l’armée, Desaix, La Tour d’Auvergne et d’autres, étaient des officiers nobles. L’Ancien-Régime était loin d’encourager la noblesse de province ; elle n’avait dans le service aucune chance d’avancement ; tous les grades supérieurs appartenaient de droit à la noblesse d’antichambre, aux familles de la cour, aux colonels de l’Œil-de-Bœuf.

Narbonne dit encore une chose très belle, très juste, sortie probablement du noble cœur de son amie : « Une nation qui veut la liberté n’aurait pas le sentiment de sa force, si elle se livrait à des terreurs sur les intentions de quelques individus. Quand la volonté générale est aussi fortement prononcée qu’elle l’est en France, en arrêter l’effet n’est au pouvoir de personne. La confiance fût-elle même un acte de courage, il importerait au peuple, comme aux particuliers, de croire à la prudence de la hardiesse. »

Ce mot n’était pas juste seulement, il était profond. Non, personne ne pouvait arrêter un tel mouvement. Sous les plus indignes chefs, il eût eu son effet de même. Invincible par sa grandeur, il eût emporté les faibles ou les traîtres ; toutes les mauvaises volontés, subjuguées, perdues, absorbées, auraient été forcées de suivre. Une nation tout entière se soulevait de ses profondeurs ; elle allait,