Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/382

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le 12 décembre, le 2 janvier, le 12, et plus tard encore, Robespierre exposa, avec une autorité extraordinaire, le vaste système de défiance et d’accusation où il mêlait tous les partis ; une foule de rapprochements, plus ou moins ingénieux, venaient étayer, d’une manière souvent heureuse, cet édifice d’erreur. Tout cela reçu à merveille des Jacobins, dont le génie propre était la défiance même, et qui écoutèrent, accueillirent avidement des pensées qui étaient les leurs, s’en pénétrèrent, en imbibèrent profondément leurs esprits.

Le moment y prêtait aussi : un Paris triste, trouble, sinistrement orageux, une misère profonde, sans espoir, sans fin ni terme. Un sombre hiver. Partout des ombres, des ténèbres, des brouillards. « Voyez-vous là-bas cette ombre qui file, cette figure fantastique, ce chevalier du poignard enveloppé d’un manteau ?… Hier on a vu partir un fourgon des Tuileries… Il y a quelque chose là-dessous », etc. Tout cela pris avec une crédulité extrême ; l’ombre, on la voyait ; le conte, on le croyait sans peine. Celui qui osait en douter était mal vu dans les groupes ; on s’éloignait de lui, parfois on le menaçait.

Il faut voir comme la presse est ardente, aveugle et crédule. Rien d’absurde que n’admettent Fréron et Marat. « Pauvre peuple, dit celui-ci, te voilà trahi, livré par la guerre ! lorsque, pour tout terminer, des poignards, des bouts de corde auraient été suffisants. »