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députés environ, ils se mettaient en mouvement ; tous, en corps d’armée, ils allaient se rendre aux Jacobins, où depuis longtemps on ne les voyait plus guère ; ils allaient les étonner de cette image inattendue d’union et de concorde, et sans doute d’un premier élan enlever la société. Il n’y avait pas un moment à perdre. Robespierre court aux Jacobins.

Si son discours fut celui que lui prête son ami Camille[1], c’était une vaste dénonciation de tous et de toutes choses assez adroitement tissue de faits, d’hypothèses ; il accusait, non seulement le roi et le ministère, et Bailly, et La Fayette, non seulement les comités, mais l’Assemblée tout entière. Cette accusation, à ce point générale et indistincte, ce sombre poème, éclos d’une imagination effrayée, semblait bien difficile à accepter sans réserve. Robespierre entra alors dans un sujet tout personnel, son propre péril, fut ému et éloquent ; il s’attendrit sur lui-même ; l’émotion gagna l’auditoire. Alors, pour enfoncer le coup, il ajouta cette parole : « Qu’au reste, il était prêt à tout ; que si, dans les commencements, n’ayant encore pour témoins que Dieu et sa conscience, il avait fait d’avance le sacrifice de sa vie, aujourd’hui qu’il avait sa récompense dans le cœur de ses concitoyens, la mort ne serait pour lui qu’un bienfait. »

À ce trait touchant, une voix s’élève, un jeune homme crie en sanglotant : « Nous mourrons tous

  1. Camille Desmoulins, qui écrit plusieurs jours après, mêle deux discours de Robespierre. Il lui prête ses idées, son style, le fait parler contre les prêtres, ce qu’il ne faisait guère, etc.