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c’était vouloir que prêtres, roi et directoire de Paris, tout fût brisé du même coup.

Les signataires de cet acte insensé étaient pourtant des gens d’esprit, des Talleyrand, des Beaumetz, etc. Voilà à quoi l’esprit sert, l’habitude de saisir finement les petits rapports des choses, de regarder à la loupe, de manier avec dextérité le monde et l’intrigue. Il ne faut pas de finesse en révolution. Le génie, pour embrasser les grandes masses, doit être grand, simple, grossier, si j’ose parler ainsi.

Une réponse, bien autrement spirituelle, aiguë et perçante (la pièce la plus française qui ait été écrite depuis la mort de Voltaire), leur fut lancée par Desmoulins, sous forme de pétition à l’Assemblée nationale. Lui-même l’apporta à la barre, et, se défiant de son organe embarrassé, il la fit lire par Fauchet. L’originalité de cette pièce, c’est que, dans une grande question politique et d’équité, le malicieux basochien n’attestait que le droit strict, le texte des lois, de ces mêmes lois que les membres du directoire avaient faites, comme membres de l’Assemblée constituante ; il les battait de leurs armes, les perçait de leurs propres flèches. La loi contre ceux qui avilissent les pouvoirs publics, celle qui punit les pétitions collectives, il montrait parfaitement qu’ici elles tombaient d’aplomb sur leurs propres auteurs, qu’ils étaient coupables d’avoir tenté d’avilir le premier pouvoir, l’Assemblée, et concluait à ce que le directoire fût mis en accusation.