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dédaigneux que violent. Tout le désordre se borna à casser les bustes du roi ; puis une promenade de curiosité inoffensive, que les femmes firent aux Tuileries, sans bruit ni dégât. Elles ôtèrent le portrait du roi de la place d’honneur et le suspendirent à la porte. Elles visitèrent le cabinet du dauphin et le respectèrent ; beaucoup moins celui de la reine : une femme y vendit des cerises. Elles regardèrent fort ses livres, supposant que c’étaient tous livres de libertinage. Une fille qu’on coiffait d’un bonnet de Marie-Antoinette le jeta bien loin, disant qu’il la salirait, qu’elle était honnête fille.

Cependant l’Assemblée mandait les ministres, s’emparait du sceau, changeait le serment, ordonnait la levée de trois cent mille gardes nationaux, payés quinze sols par jour. Ces mesures furent interrompues par la lecture d’une pièce étrange, qu’on apporta. C’était une protestation du roi, annulant tout ce qu’il avait fait et sanctionné depuis deux ans, dénonçant l’Assemblée, la nation. Il certifiait ainsi que, pendant tout ce temps, il avait été le plus faux des hommes ; moins encore pour avoir signé que pour avoir si souvent approuvé, loué de vive voix, souvent sans nécessité, ce qu’il désavouait aujourd’hui. Tout cela, dans une forme aussi triste que le fond, lourde, plate et sotte, mêlant aux choses les plus graves des choses ou basses ou futiles. Il s’appesantissait sur sa pauvreté (avec une liste civile de vingt-cinq millions), sur le séjour des Tuileries, « où, loin de trouver les commodités auxquelles il était accoutumé, il n’a pas