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chambre des morts, d’y marcher sur les ossements, de voir, au faible jour qui pouvait pénétrer au fond de l’abîme, la grimace des squelettes, leur rire ironique. Du haut, on jetait un peu de pain à la bête, on l’observait vivante dans la terrible compagnie, on mesurait les degrés de son affaiblissement, l’alanguissement de sa fermeté, le point où le corps, sans défaillir tout à fait, a déjà paralysé l’âme. On pouvait alors le reprendre, idiot, et en tirer quelque signe qui le démentît lui-même, le produire au jour, le lugubre oiseau de nuit, clignotant, ignoble, éteint, dire à la pensée humaine : « Voilà ton héros !… » De sorte qu’en ce duel barbare de la force contre une âme, le simple peuple pût croire que celle-ci était vaincue et que la force des tyrans était celle même de Dieu.

Voilà le lieu du massacre. Maintenant examinons ceux sur qui il va tomber.

Les soixante ou quatre-vingts qu’on allait tuer pêle-mêle n’étaient pas du même parti. Les quarante derniers arrêtés appartenaient presque tous au petit peuple papiste des confréries d’Avignon. C’étaient de pauvres gens, aveugles, qui, poussés par leurs meneurs, n’avaient su ce qu’ils faisaient. Peu, très peu avaient agi, la plupart crié. Quant aux trente arrêtés en août, ce n’étaient point des fanatiques, ni même, vraiment, des aristocrates. C’étaient, comme les Niel, le parti français, royaliste-constitutionnel, la nuance de Mulot.

Les Machiavels qui crurent frapper ici un grand