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qué et rétablirait le pape. La cour était si bien informée qu’elle comptait qu’une fois quitte de la Constituante, elle allait avoir dans la Législative une assemblée royaliste, qu’elle mènerait aisément. Cette assemblée n’aurait garde de repousser Avignon, qui, au nom de son indépendance nationale et de la souveraineté du peuple, redemanderait son maître ; le décret de réunion serait aisément révoqué.

C’était là le roman des prêtres, et celui du roi, sans nul doute. Il n’était pas invraisemblable. Le peuple d’Avignon, sous le pape, ne payait aucun impôt ; par vexation, extorsion, à peu près comme en Turquie, on rançonnait non le peuple, mais les riches, ceux qui avaient. Le commerce, serré et gêné, étouffait entre les douanes de France ; mais cela même, empêchant les denrées de se vendre hors du pays, les faisant consommer sur place, mettait tous les vivres à vil prix. Pour un sol ou deux, m’ont dit les vieillards, « on avait pain, vin et viande ». Tout cela était cruellement changé depuis la Révolution. La culture se trouvant presque interrompue par la guerre civile, les vivres s’écoulant au dehors, la cherté était grande. Le peuple, on pouvait le prévoir, allait, comme Israël au désert, regretter les oignons d’Égypte ; il aimerait mieux retourner en arrière, et renoncer pour toujours à cette terre promise de la liberté qu’il lui fallait acheter par l’abstinence et le jeûne.

Que fallait-il faire ? Rien qu’attendre, envoyer peu de troupes, et les plus aristocrates, empêcher surtout