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Tout annonçait un orage. L’opinion populaire avait tout à fait changé. La solitude et l’abandon de la ville, la cessation du commerce et des travaux, la misère croissante, l’attente d’un rude hiver, assombrissaient Avignon. « Comment, disaient-ils, s’étonner si l’on meurt de faim maintenant, quand les églises sont violées, le saint-sacrement arraché de l’autel et vendu aux juifs !… » Ce qui les blessait le plus, c’était de voir briser les cloches ; il n’y avait pas un coup de marteau frappé sur elles qui ne frappât au cœur des femmes ; la ville, tout à coup muette, leur semblait condamnée de Dieu.

La position du parti français, réduit à un petit nombre, devenait fort dangereuse. Il fit un nouvel effort près du Conseil de Louis XVI ; les ministres proposèrent la réunion à l’Assemblée constituante. Le rapporteur, Menou, la demanda. « Au nom de l’humanité… n’exposez pas, dit-il, cent cinquante mille individus à s’égorger en maudissant la France. »

La réunion fut décrétée le 13 septembre, et le roi la sanctionna le lendemain. Comment s’était-il décidé à ce sacrilège énorme d’accepter la terre papale ? C’est ce qui n’est pas expliqué. Un article du décret accordait indemnité au pape pour ses domaines utiles, mais non pour la souveraineté. Très probablement on fit entendre au roi que, le décret de réunion entraînant la dissolution de l’armée de Jourdan qui tyrannisait le pays, le parti français apparaîtrait dans sa minorité minime, la masse délivrée rétracterait le vote en faveur de la France qu’on lui avait extor-