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ménageait pas le sang et la vie de ceux qui venaient de se dévouer pour nous, de ceux qui donnaient au royaume la moitié de la Provence, qui lui restituaient le Rhône, lui assuraient le Midi. C’était alors le premier essai de réaction ; l’Assemblée remerciait Bouillé pour le massacre de Nancy. Elle ajourna l’affaire d’Avignon (28 août 1790) et par là donna au parti anti-français un funeste encouragement, d’insolentes espérances. La réaction eut son cours. Le pape écrivit hardiment qu’il ordonnait d’annuler tout ce qui s’était fait dans le Comtat, de rétablir les privilèges des nobles et du clergé, de relever l’Inquisition dans la plus grande rigueur. Ceci daté du 6 octobre 1790, du même jour où Louis XVI écrivait au roi d’Espagne sa première protestation, celle qu’il adressa ensuite à tous les rois de l’Europe.

Avignon se trouvait dans une position intolérable, isolée, comme assiégée. À sa porte, à la distance qu’on peut voir du haut de ses tours, les petites villes, Lisle, Cavaillon, qui avaient un moment voulu arborer les armes françaises, reprenaient celles du pape. Le mot d’ordre leur était donné par la vieille rivale d’Avignon, l’orgueilleuse et imperceptible Carpentras, le nid de l’aristocratie. Les Avignonnais ayant fait sur Cavaillon une entreprise pour y relever le parti patriote, ils y trouvèrent quinze ou vingt maires de communes françaises, gentilshommes du voisinage, qui étaient là pour le pape et contre le parti français. Carpentras avait