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papistes ayant la nuit pendu un mannequin décoré des trois couleurs, Avignon sembla se soulever de ses fondements ; on arracha de leurs maisons quatre papistes soupçonnés de ce sacrilège (deux marquis, un bourgeois, un ouvrier) ; ils furent eux-mêmes pendus à la place du mannequin, avec des risées féroces (11 juin 1790). Les meneurs révolutionnaires, qu’ils le voulussent ou non, n’auraient jamais pu les soustraire à la vengeance du peuple.

Leur situation était véritablement difficile, entre ce peuple, ingouvernable dans sa liberté nouvelle, et la France qu’ils appelaient et qui ne leur répondait pas. Elle les mettait dans cette alternative ou de périr ou de se sauver par l’emploi de la violence. Ils se jetaient dans ses bras, et elle les renvoyait au crime ou aux supplices.

C’était la foire de Beaucaire ; tout le Midi y était, attiré par le commerce et par la fédération. Les libérateurs d’Avignon vinrent fraterniser avec ceux qu’ils appelaient leurs concitoyens, ceux qu’ils avaient si bien servis, par la diversion d’Avignon, au moment terrible de Nîmes. Quel triste désappointement ! Ils trouvèrent les autorités malveillantes, le peuple, tout occupé d’affaires, médiocrement sympathique, ouvrant l’oreille aux mensonges de l’aristocratie.

L’Assemblée constituante poussa l’indifférence pour eux jusqu’à la barbarie. Elle ménageait le pape dans la grande question du clergé, elle ménageait le roi, les scrupules de sa conscience, mais elle ne