Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/266

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sœur les avait aussi et plus fréquentes, étant moins habituée à se contenir, plus naïve et plus sincère.

Le plan modéré, constitutionnel de Dumouriez, un autre d’un secrétaire de Mirabeau, ne réussirent pas auprès du roi. Il accueillit au contraire un discours hautain, véhément, que l’Américain Morris avait fait pour lui et que Bergasse avait corrigé pour le style ; il n’osa pas s’en servir, mais il fit dire à l’auteur qu’il en ferait plus tard la règle de sa conduite. Chose bizarre, Morris, homme d’affaires et banquier, plus tard ministre des États-Unis, homme, ce semble, positif et grave, fit communiquer cette pièce à une enfant, Madame, fille du roi, âgée de treize ou quatorze ans. Passionnée, violente, hautaine, vivement impressionnée de l’humiliation de sa famille, et surtout depuis Varennes, cette enfant devait exercer déjà quelque influence sur son père et sur sa tante, auxquels elle ressemblait bien plus qu’à sa mère.

Cette préférence diverse pour les moyens de ruse ou de violence qui se prononçait au sein de la famille royale, le combat des influences intérieures, les plans contradictoires qu’on apportait du dehors, tiraillaient l’âme du roi, lui brouillaient l’esprit. Il sentait bien d’ailleurs qu’il y avait en sa conscience tel point délicat où il lui deviendrait impossible de feindre davantage, et alors, sans doute, il serait brisé. Lui-même il en jugeait ainsi. Le 8 août 1791, il disait à M. de Montmorin, qui le redit à Morris : « Je sais bien que je suis perdu.