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des rois ; le roi, dans la France seule, est prisonnier du peuple. Il n’y a pas de traité possible… Ils grondent encore sans mordre, comme le dogue qui va s’élancer ; bien sot qui voudrait attendre que le dogue le tînt à la gorge. »

À cette voix intérieure du bon sens répondit admirablement la déclaration de Pilnitz. Les rois disaient à la France : « Oui, vous ne vous trompez pas ; c’est bien là notre pensée. » — Et cette déclaration ne circula pas dans les termes ambigus de la diplomatie ; elle courut la campagne, sous la forme insolente et provoquante de la lettre de Bouillé. Elle tomba comme un défi ; comme tel, elle fut saluée d’une longue clameur de joie.

« Eh ! c’est ce que nous demandions ! » Tel fut le cri général. Marseille demandait, dès mars 1791, à marcher au Rhin. En juin, tout le Nord, tout l’Est, de Givet jusqu’à Grenoble se montre, à un même moment, hérissé d’acier. Le centre s’ébranle. À Arcis, sur dix mille mâles, trois mille partent. Dans tel village, Argenteuil, par exemple, tous partent sans exception. L’embarras fut seulement qu’on ne savait où les diriger. Le mouvement n’en gagnait pas moins, comme les longues vibrations d’un immense tremblement de terre. La Gironde écrit qu’elle n’enverra pas, qu’elle ira ; elle s’engage à marcher tout entière, en corps de peuple, tous les mâles, quatre-vingt-dix mille hommes ; le commerce de Bordeaux, que ruinait la Révolution, le vigneron qu’elle enrichissait, s’offraient unanimement.