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Ceux-ci flottaient comme la vague ; mais ceux-là étaient le vaisseau. Ils savaient bien qu’ils n’avaient pas d’autre port que celui où aborderait la Révolution. De là l’ensemble qu’ils montrèrent, leur docilité extrême pour ceux qui prirent le gouvernail. Ce grand corps, hétérogène, mené à la fois par la passion, l’exaltation, l’intérêt, n’en fut pas moins, dans sa violence, étonnamment disciplinable. L’individu s’y conduisit comme fait, dans la tempête, celui qui est là pour sa vie et veut se sauver, il croit tout, fait tout, ne discute point la manœuvre, ne raisonne pas avec le pilote.

Le moment précis où nous sommes, l’automne de 1791, c’est le moment décisif où la grande association des acquéreurs et des patriotes va agir sur les campagnes.

Moment grave. En 1790, le paysan a reçu le premier bienfait révolutionnaire, l’abolition des dîmes et des droits seigneuriaux, reçu avec une joie vive et sans réserve.

En 1791, la Révolution vient à lui et lui offre les biens de l’Église. — Il hésite ici, regarde, sa femme a peur et n’en dort pas ; un dialogue entre eux s’engage le jour et la nuit. Lui, ce brave laboureur, bien plus scrupuleux en général qu’on ne croit, il n’eût jamais pris de lui-même ; il l’a bien montré, bon Dieu ! par sa longue et miraculeuse patience pendant tant de siècles ! Mais enfin, ici, il raisonne, il comprend que ce bien, donné jadis pour le pauvre à l’Église, peut (en