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scrupule, leur faisant perdre de vue les motifs intéressés, personnels, qui les rendaient souvent hostiles à la Révolution, en sorte qu’ils crurent la haïr d’une haine désintéressée, non pour tel tort matériel qu’elle leur faisait, mais uniquement pour Dieu. Le Vendéen, par exemple, qui plaçait chez son seigneur tout l’argent qu’il retirait de l’élève des bestiaux, qui voyait son noble débiteur ou ruiné ou émigré, il prenait son fusil, pourquoi ? Pour cette perte d’argent ? Non, mais (disait-il) pour qu’on lui rendît ses bons prêtres. Le Breton, qui comptait placer dans le clergé un ou plusieurs de ses enfants, avait bien contre la Révolution un motif temporel de haine ; mais sa sombre exaltation religieuse lui persuadait qu’il n’en voulait à l’ordre nouveau que pour l’outrage fait à l’Église, pour son Dieu en fuite, exilé aux landes désertes et sans abri que le ciel.

Voilà comment l’esprit de résistance, ne se connaissant pas bien lui-même, était mêlé fortement de fanatisme et d’intérêt. Un seul de ces deux mobiles aurait pu céder, le fanatisme, eût disparu à la longue devant les lumières nouvelles, l’intérêt parfois peut-être se fût immolé à la conscience. Mais, ainsi mêlés, confondus, se trompant mutuellement, se donnant le change, ils étaient indestructibles.

L’enthousiasme révolutionnaire semblait devoir moins durer que le fanatisme catholique et royaliste. Il avait pour objet des idées nouvelles, et ne se liait pas comme l’autre à tout un système d’habitudes