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que l’expérience en demeure le seul juge. » C’était approuver sans approuver, se réserver d’attendre, témoin inerte et malveillant, les chocs que subirait la machine prête à se disjoindre.

Il y eut des fêtes dans Paris. La famille royale fut promenée aux Tuileries, aux Champs-Élysées, au théâtre, reçue encore une fois d’une grande partie de la population avec joie et attendrissement. Joie inquiète et mêlée d’alarmes. On lisait une même pensée sur tous les visages : « Ah ! si la Révolution finissait ! Si nous pouvions voir enfin dans ce jour la fin de nos maux ! »

Loin de finir, tout commençait. Pendant que le roi et la reine, plus libres enfin, voyaient secrètement, consultaient Barnave, traitaient, en quelque sorte, avec la Révolution, les prêtres, par toute la France, au nom de Dieu, au nom du roi, avaient organisé le premier acte de la guerre civile.

Je ne sache rien dans l’histoire de plus triste que ces nocturnes entrevues de Barnave avec le roi et la reine, telles que les a racontées la femme de chambre qui ouvrait au député. Elle attendait des heures entières à une petite porte des entre-sols, la main sur la serrure ouverte. La reine, un jour, craignant que Barnave ne gardât moins le secret s’il le voyait partagé avec une femme de chambre, voulut se charger elle-même de ce poste et reprit la faction. Spectacle étrange de voir la reine de France attendre la nuit, la main au loquet !… Et qu’attendait-elle, hélas ? Reine déchue, elle attendait le secours de l’orateur