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grand qu’en deux endroits, aux Tuileries, aux Jacobins. Aux premiers coups, la reine reçut le contrecoup au cœur ; elle sentit que ses imprudents amis venaient d’ouvrir un gouffre sanglant qui ne se refermerait plus.

Et les Jacobins comprirent que c’était sur eux, délaissés, réduits à un si petit nombre, que leurs rivaux, les Feuillants, allaient faire porter la responsabilité de tout ce qui avait pu provoquer la terrible exécution.

Ils envoyèrent à l’instant aux informations. Leurs envoyés, aux Champs-Élysées, rencontrèrent une femme éplorée, puis une foule confuse de peuple qui fuyait à toutes jambes. On leur dit qu’il y avait bien des morts, qu’on avait tiré avant la troisième sommation, etc. Sans perdre de temps, la société, pour désarmer l’autorité, déclara qu’elle désavouait « les imprimés faux ou falsifiés qu’on lui avait attribués, qu’elle jurait de nouveau fidélité à la constitution, soumission aux décrets de l’Assemblée ».

Cependant on entendait un grand bruit dans la rue Saint-Honoré ; c’étaient les gardes soldés qui revenaient, fort échauffés, du Champ de Mars, et qui, passant devant les Jacobins, criaient qu’on leur donnât l’ordre d’abattre la salle à coups de canon. Au dedans, l’alerte est vive. « La salle est investie ! » crie-t-on. Grand trouble, grande confusion, peur extrême et ridicule. Un des membres perdit la tête, au point de sauter, pour se sauver, dans la tribune des femmes. Madame Roland y était, qui lui en fit