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dans Paris, à l’étonnement de tout le monde ; les gardes nationaux arrivaient de toutes parts. Ils s’acheminaient en longues colonnes, les uns par les Champs-Élysées, les autres par les Invalides ou bien par le Gros-Caillou. Un moment avant d’arriver, on leur faisait charger les armes ; car, disait-on, les brigands étaient maîtres du Champ de Mars ; ils s’y étaient retranchés.


Je copierai textuellement la narration inédite d’un témoin très digne, très croyable ; il était garde national dans le bataillon des Minimes, qui, avec ceux des Quinze-Vingts, de Popincourt et de Saint-Paul, s’alignèrent parallèlement à l’École militaire :

« L’aspect que présentait alors cette place immense nous frappa d’étonnement. Nous nous attendions à la voir occupée par une populace en furie ; nous n’y trouvâmes que la population pacifique des promeneurs du dimanche, rassemblée par groupes, en familles, et composée en grande partie de femmes[1] et d’enfants, au milieu desquels circulaient des marchands de coco, de pain d’épice et de gâteaux de Nanterre, qui avaient alors la vogue de la nouveauté. Il n’y avait dans cette foule personne qui fût armé, excepté quelques gardes nationaux parés de leur uniforme et de leur sabre ; mais la plupart accom-

  1. Madame Roland y avait été le matin, Mme Robert (Mlle Kéralio) était encore sur l’autel, près de son mari. Mme de Condorcet était dans le Champ de Mars, — il y a du moins lieu de le croire, car Condorcet dit qu’à ce moment même on y promenait son enfant âgé d’un an.