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Mais justement parce que l’émeute voyait en face des forces si redoutables, il y avait à parier qu’il n’y aurait pas d’émeute. Les dogues baissaient la tête. Le fameux brasseur Santerre, qui, par sa voix, sa taille, sa corpulence, avait si grande influence dans le faubourg Saint-Antoine, accepta aux Jacobins l’humble commission d’aller retirer la pétition du Champ de Mars. Les grands meneurs Cordeliers se montrèrent plus prudents encore. Ils sentirent la portée du dernier décret, virent parfaitement que le royalisme avait besoin d’une émeute ; les coups donnés à Fréron, à Rotondo, indiquaient assez qu’on serait peu scrupuleux sur les moyens de la provoquer. Ils disparurent. On le leur a reproché. Je crois pourtant que leur présence eût été plutôt un prétexte de dispute et de combat ; on n’eût pas manqué de dire qu’ils avaient animé le peuple, et tout l’odieux de l’affaire, qui tomba sur les constitutionnels, eût été pour leur parti. Danton en jugea ainsi. Dès le samedi soir, il s’éclipsa de Paris, fila au bois de Vincennes, à Fontenay, où son beau-père le limonadier avait une petite maison. Le vaillant boucher Legendre, qui n’avait à la bouche que combat, sang et ruine, enleva lui-même Desmoulins et Fréron, qui perdaient le temps à rédiger une pétition nouvelle, les emmena à la campagne, où ils passèrent au frais cette chaude journée et dînèrent avec Danton.

Les royalistes étaient rieurs ; au milieu de tous ces grands et tragiques événements, ils se croyaient