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et dans son lit. Il n’était pas jusqu’à sa garde-robe où les soldats-citoyens ne prétendissent la conduire, la baïonnette au bout du fusil ; on leur en fit honte. La reine imagina de faire coucher devant son lit une de ses femmes dont les rideaux la garantissent. Une nuit, elle voit le garde national de service tourner cette barrière et venir à elle ; il n’était nullement hostile, au contraire, c’était un bon homme qui aimait la royauté, voulait la sauver et croyait devoir profiter de la circonstance pour donner à la reine de sages avis ; il s’assit, sans autre façon, près de son lit, pour prêcher plus à son aise.

Le roi s’avisa un jour de fermer la porte de la chambre à coucher de la reine. L’officier de garde l’ouvrit, lui dit que telle était sa consigne, que Sa Majesté prenait en la fermant une peine inutile, car il l’ouvrirait toujours.

La situation était vraiment cruelle et baroque. Ceux qui donnaient cette consigne humiliante, La Fayette et les constitutionnels, qui avilissaient le roi à ce point (que dis-je, le roi ? l’époux), n’en voulaient pas moins qu’il fût roi, et travaillaient vigoureusement à cela, et se tenaient prêts à tirer l’épée, au besoin, pour le maintien de cette royauté qu’ils rendaient de plus en plus ridicule et impossible.

Ils croyaient que la France n’avait de salut que dans cette fiction royale, dans cette ombre, ce néant, ce vide. Ils partaient de l’idée très fausse que la royauté était effectivement revenue de Varennes ;