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Elles entraînèrent, avec les villes, un nombre immense des habitants des campagnes. On l’a vu pour le Dauphiné, le Vivarais, le Languedoc.

Dans la Bretagne, dans le Quercy, le Rouergue, le Limousin, le Périgord, les campagnes sont moins paisibles ; il y a en février des désordres, des violences. Les mendiants, nourris à grand’peine jusque-là par les municipalités, sortent peu à peu et courent le pays. Les paysans recommencent à forcer les châteaux, brûler les chartes féodales, exécuter par la force les déclarations du 4 août, les promesses de l’Assemblée. En attendant qu’elle y songe, la terreur est dans les campagnes. Les nobles délaissent leurs châteaux, viennent se cacher dans les villes, trouver sûreté parmi leurs ennemis. Et ces ennemis les défendent. Les gardes nationaux de la Bretagne, qui viennent de jurer leur ligue contre les nobles, s’arment aujourd’hui pour les nobles, vont défendre les manoirs, où l’on conspirait contre eux[1]. Ceux du Quercy, du Midi en général, furent également magnanimes.

Les pillards furent comprimés, les paysans contenus, peu à peu initiés, intéressés au but de la

  1. Les gardes nationaux de 1790 n’étaient nullement une aristocratie, comme quelques écrivains le font entendre, par un étrange anachronisme. Dans la plupart des villes, c’était, comme je l’ai dit, littéralement tout le monde. Tous étaient intéressés à empêcher le ravage des campagnes, qui eût rendu la culture impossible, affamé la France. — Au reste, ces désordes passagers n’eurent aucunement le caractère d’une Jacquerie. Dans certaines localités de Bretagne et de Provence, les paysans réparèrent eux-mêmes les dégâts qu’ils avaient faits. Dans un château où ils ne trouvèrent qu’une dame malade avec ses enfants, ils s’abstinrent de tout désordre, etc.