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se fit, le 31 janvier 1790, la première de nos grandes fédérations. Dix mille hommes étaient en armes, qui devaient en représenter plusieurs centaines de mille. Il y avait trente mille spectateurs. Entre cette immuable antiquité, ces monts immuables, devant ce fleuve grandiose, toujours divers, toujours le même, se fit le serment solennel. Les dix mille, un genou en terre, les trente mille à deux genoux, tous ensemble jurèrent la sainte unité de la France.

Tout était grand, le lieu, le moment ; et, chose rare, les paroles ne furent nullement au-dessous. La sagesse du Dauphiné, l’austérité du Vivarais, le tout animé d’un souffle de Languedoc et de Provence. À l’entrée d’une carrière de sacrifices qu’ils prévoyaient parfaitement, au moment de commencer l’œuvre grande et laborieuse, ces excellents citoyens se recommandaient les uns aux autres de fonder la liberté sur la seule base solide, « la vertu », sur ce qui rend les dévouements faciles, « la simplicité, la frugalité, la pureté du cœur » !

Je voudrais savoir aussi ce que disaient, presque en face, de l’autre côté du Rhône, à Voute, les cent mille paysans armés qui y firent l’union du Vivarais. C’était encore février, rude saison dans ces froides montagnes ; ni le temps, ni la misère, ni les routes effroyables, n’empêchèrent ces pauvres gens d’arriver au rendez-vous. Torrents, verglas, précipices, fontes de neiges, rien ne put les arrêter. Une chaleur toute nouvelle était dans l’air ; une fermentation précoce se faisait sentir à eux ; citoyens pour la