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et Nantes, Vannes et Saint-Malo envoyèrent à l’Assemblée des accusations foudroyantes, déclarant qu’elles abjuraient tout rapport avec les traîtres. Sans rien attendre, la garde nationale de Rennes entra au château et s’assura des canons (18 décembre 1789).

L’Assemblée prit deux mesures. Elle manda le parlement de Bretagne à comparaître devant elle. Elle accueillit la pétition de Rennes qui sollicitait la création d’autres tribunaux. Elle commença son beau travail sur l’organisation d’une justice digne de ce nom, non payée, non achetée, ni héréditaire, sortie du peuple et pour le peuple. Le premier article d’une telle organisation était, bien entendu, la suppression des parlements (22 décembre 1789).

Thouret, l’auteur du rapport, établit parfaitement cette vérité, trop oubliée depuis, qu’une révolution qui veut durer doit, avant tout, ôter à ses ennemis l’épée de justice.

Étrange contradiction, de dire au système qu’on renverse : « Ton principe m’est opposé, je l’efface des lois, du gouvernement ; mais, en toute affaire privée, tu l’appliqueras contre moi… » Comment méconnaître ainsi la toute-puissance, modeste, sourde, mais terrible, du pouvoir judiciaire, son invincible absorption ? Tout pouvoir a besoin de lui ; lui, il se passe des autres. Donnez-moi le pouvoir judiciaire, gardez vos lois, vos ordonnances, tout ce monde de papier ; je me charge de faire triompher le système le plus contraire à vos lois.