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Nos paysans étaient moins prompts à se mettre en mouvement. Ils ont le jugement sain en général, et tout autrement net et sobre que les Belges. Le vieil esprit gaudisseur des fabliaux, de Rabelais, peu favorable au Clergé, n’est jamais bien mort en France. « M. le curé et sa servante » sont un texte inépuisable pour les veillées de l’hiver. Le curé, au reste, était plus plaisanté que haï. Les évêques (tous nobles alors, Louis XVI n’en faisait pas d’autres) étaient, pour la plupart, bien plus scandaleux. Ils ne se contentaient pas de leurs comtesses de province, qui faisaient les honneurs du palais épiscopal ; ils couraient les aventures, les danseuses de Paris. Ces comtesses ou ces marquises, la plupart de pauvre noblesse, honoraient parfois leurs demi-mariages par un mérite réel ; telle gouvernait l’évêché, et mieux que n’eût fait l’évêque. L’une d’elles, non loin de Paris, fit dans son diocèse les élections de 1789, et travailla vivement pour envoyer à l’Assemblée nationale deux excellents députés.

Un épiscopat si mondain, qui se souvenait tout à coup de la religion, dès qu’on touchait à ses biens, avait vraiment beaucoup à faire pour renouveler dans les campagnes le vieux fanatisme. En Bretagne même, où le paysan appartient toujours aux prêtres, ce fut une imprudence à l’évêque de Tréguier de lancer, le 14 octobre, le manifeste de la guerre civile ; il tira trop tôt, rata. Dans son mandement incendiaire, il montrait le roi captif, la religion renversée, les prêtres n’allaient plus être que les commis soldés des