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Louis XIV, et quatre-vingts ans depuis… Il l’était encore ; les décrets du 4 août n’étaient qu’à l’état de déclaration générale : rien d’exécuté. Le servage ne fut expressément aboli qu’en mars 1790 ; le vieillard mourut en décembre ; ainsi ce dernier des serfs ne vit pas la liberté.

Le même jour, 23 octobre, M. de Castellane, profitant de l’émotion de l’Assemblée, demanda qu’on visitât les trente-cinq prisons de Paris, celles de la France, qu’on ouvrît spécialement des prisons plus ignorées encore, plus profondes que les bastilles royales, les cachots ecclésiastiques. Il fallait bien, à la longue, qu’en ce jour de résurrection, le soleil perçât les mystères, que le bienfaisant rayon de la loi éclairât pour la première fois ces justices de ténèbres, ces basses-fosses, ces in-pace, où souvent, dans leurs furieuses haines de cloîtres, dans leurs jalousies, leurs amours plus atroces que leurs haines, les moines enterraient leurs frères.

Hélas ! les couvents tout entiers, qu’était-ce que des in-pace, où les familles rejetaient, oubliaient tel de leurs membres qui était venu de trop et qu’on immolait aux autres ? Ceux-ci ne pouvaient pas, comme le serf du Jura, se traîner jusqu’aux pieds de l’Assemblée nationale, y demander la liberté, embrasser la tribune, au lieu d’autel… À grand’peine, de loin, et par lettre, pouvaient-ils, osaient-ils se plaindre. Une religieuse écrivit, le 28 octobre, timidement, dans des termes généraux, ne demandant rien pour elle, mais priant l’Assemblée de statuer sur les vœux