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(pouvant user, non abuser) ; 2o qu’il n’était pas possesseur (le droit ecclésiastique lui défendant de posséder) ; 3o qu’il n’était pas même usufruitier, mais dépositaire, administrateur tout au plus et dispensateur.

Ce qui produisit plus d’effet que la dispute de mots, c’est qu’au moment où l’on mit la cognée au pied de l’arbre, des témoins muets comparurent, qui, sans déposer contre lui, montrèrent tout ce qu’il avait couvert, cet arbre funeste, d’injustice, de barbarie, dans son ombre.

Le Clergé avait encore des serfs au temps de la Révolution. Tout le dix-huitième siècle avait passé, tous les libérateurs, et Rousseau, et Voltaire, dont la dernière pensée fut l’affranchissement du Jura… Le prêtre avait encore des serfs.

La féodalité avait rougi d’elle-même. Elle avait, à divers titres, abdiqué ces droits honteux. Elle en avait repoussé, non sans honneur, les derniers restes dans la grande nuit du 4 août… Le prêtre avait toujours des serfs.

Le 22 octobre, l’un d’eux, Jean Jacob, paysan mainmortable du Jura, vieillard vénérable, âgé de plus de cent vingt ans, fut amené par ses enfants et demanda la faveur de remercier l’Assemblée de ses décrets du 4 août. Grande fut l’émotion. L’Assemblée nationale se leva tout entière devant ce doyen du genre humain, le fit asseoir et couvrir… Noble respect de la vieillesse, et réparation aussi pour le pauvre serf, pour une si longue injure aux droits de l’humanité. Celui-ci avait été serf un demi-siècle sous