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tout au contraire de venir à votre secours et de vous sauver vous-mêmes.

Pour comprendre ceci, il faut savoir que le corps du Clergé, monstrueux de richesse par rapport à la nation, était aussi un monstre, en soi, d’injustice, d’inégalité. Ce corps, énorme à la tête, crevant de graisse et de sang, était, dans ses membres inférieurs, maigre, sec et famélique. Ici le prêtre avait un million de rentes, et là deux cents francs.

Dans le projet de l’Assemblée qui ne parut qu’au printemps, tout cela était retourné. Les curés et vicaires de campagne devaient recevoir de l’État environ soixante millions, les évêques trois seulement. De là la religion perdue, Jésus en colère, la Vierge pleurant dans les églises du Midi, de la Vendée, toute la fantasmagorie nécessaire pour pousser les paysans à la révolte, aux massacres.

L’Assemblée voulait encore donner trente-trois millions de pensions aux moines et religieuses, douze millions de pensions aux ecclésiastiques isolés, etc. Elle eût porté le traitement général du clergé à la somme énorme de cent trente-trois millions ! qui par les extinctions se fût réduite à la moitié ; c’était faire largement les choses. Le moindre curé devait avoir (sans compter les logements, presbytères, jardins) au moins douze cents livres par an. Pour dire vrai, tout le Clergé (moins quelques centaines d’hommes) eût passé de la misère à l’aisance, en sorte que ce qu’on appela la spoliation du Cierge en était l’enrichissement.