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à blanc de leurs paroles brûlantes, gorgé, payé à tant de louis par homme, franchit les huit lieues d’un galop rapide à travers un pays soulevé, seul dans cette campagne grouillante de gens armés, vraiment en terre ennemie, en grand doute de retour… Ils rencontrent un des leurs : « Eh bien ? — Le roi est parti de Varennes. » Bouillé enfonça son casque, jura, mit l’éperon sanglant dans les flancs de son cheval. En un moment, l’homme vit tout disparaître comme un ouragan…

Enfin ils touchent à Varennes. Nul passage. Des barricades sur la route. Ils trouvent un gué, le passent. Au delà, c’est un canal. Ils cherchaient à le passer. De nouvelles informations les en dispensèrent. Ils avaient perdu tout espoir de jamais rejoindre le roi. Les Allemands commençaient à dire que leurs chevaux n’en pouvaient plus. La garnison de Verdun marchait en force sur eux.

Le jeune Louis de Bouillé, racontant cette heure dernière où son père volait, l’épée nue, à la poursuite du grand otage, dit avec un mouvement audacieux et juvénile : « Nous nous enfoncions avec cette petite troupe dans la France armée contre nous… »

Oui, c’était bien vraiment la France. — Et ces Allemands qui couraient, et Bouillé qui les conduisait, et le roi qu’on emmenait, qu’était-ce donc ? C’était la révolte.