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Cependant le procureur de la Commune entre, la lanterne à la main, à demi dans la voiture, et en tourne la lumière vers le visage du roi.

On donne alors le passeport. Deux gardes le portent à l’auberge. On le lit tout haut, devant les municipaux et tous ceux qui se trouvent là. « Le passeport est bon, disent-ils, puisqu’il est signé du roi. — Mais, dit Drouet, l’est-il de l’Assemblée nationale ? — Il était signé des membres d’un comité de l’Assemblée. — Mais l’est-il du président ? » Ainsi la question fondamentale du droit de la France, le nœud de la constitution, fut examiné, tranché dans une auberge de Champagne, d’une manière décisive, sans appel et sans recours. Les autorités de Varennes, le procureur de la commune, un bon épicier, M. Sauce, hésitaient fort à prendre une si haute responsabilité.

Mais Drouet et d’autres insistent. Ils retournent à la voiture : « Mesdames, si vous êtes étrangères, comment avez -vous assez d’influence pour qu’à Sainte-Menehould on veuille vous faire escorter de cinquante dragons, d’autant encore à Clermont ? Et pourquoi encore, à Varennes, un détachement de hussards est-il là à vous attendre ?… Veuillez descendre et venir vous expliquer à la municipalité.

Les voyageurs ne bougeaient pas. Les municipaux n’annonçaient nulle envie de les forcer à descendre. Les bourgeois arrivaient lentement ; la plupart, au bruit des tambours, se renfonçaient dans leur lit. Il fallut leur parler plus haut. Drouet et les patriotes coururent au clocher, et, de toutes leurs