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peut-être encore. Si le roi sortait de France, il se dénationalisait lui-même, apparaissait Autrichien, il était jugé : c’était un étranger ; la France, sans hésitation, lui faisait la guerre. Mais Bouillé voulait la faire de ce côté de la frontière, en France, et à peine en France, pas même dans une forteresse, dans un camp près Montmédy, un camp de cavalerie, mobile, allant ou venant ; là il était et en même temps n’était pas dans le royaume. La position militaire où on le plaçait, bonne contre les Autrichiens, « est meilleure encore, dit Bouillé, contre les Français ». Le roi, parmi ces cavaliers, derrière ces batteries volantes, adossé à l’ennemi, pouvant se retirer chez lui ou lui ouvrir nos provinces, aurait parlé nettement ; il aurait dit par exemple : « Vous n’avez point une armée, vos officiers ont émigré, vos cadres sont désorganisés, vos magasins vides : j’ai laissé depuis vingt-cinq ans tomber en ruine vos fortifications sur toute la frontière autrichienne ; vous êtes ouverts et sans défense… Eh bien, l’Autrichien arrive, d’autre part, l’Espagnol, le Suisse ; vous voilà pris de trois côtés. Rendez-vous, restituez le pouvoir à votre maître. » Tel eût pu être le rôle du roi, devenu le noyau de la guerre civile, le portier de la guerre étrangère, pouvant à son aise ouvrir ou fermer. On eût peut-être jeté quelques mots de constitution, pour annuler la résistance, pour que la vieille Assemblée pût endormir le pays et le livrer décemment.

Liège et le Brabant disaient assez ce qu’on pouvait