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Monsieur y contribua. Il donna lieu au roi de craindre qu’il ne partît seul, ce qui eût été pour Louis XVI un danger réel. Monsieur était fort suspect. Il avait essayé d’enlever le roi par Favras, sans avoir son consentement. Beaucoup parlaient de le faire régent, lieutenant général, roi provisoire dans la captivité du roi.

Mais personne ne contribua plus directement que la reine à la perte de Louis XVI.

Craignant à l’excès la séparation, se tenant au roi, se serrant à lui, voulant partir ensemble et avec tous les siens, elle lui rendit la fuite presque impossible.

Une préoccupation excessive de la sûreté de la reine fit que M. de Mercy, ambassadeur d’Autriche, exigea, contre le bon sens, contre l’avis de M. de Bouillé, qu’une suite de détachements serait échelonnée sur la route qu’elle devait parcourir ; précaution très propre à inquiéter, avertir, ameuter les populations, très insuffisante pour contenir les masses d’un peuple armé, très inutile pour le roi, qui personnellement n’était point du tout haï. On a vu plus haut, naïvement exprimée par un journal, l’opinion réelle du peuple : « Que Louis XVI pleurait à chaudes larmes des sottises que lui faisait faire l’Autrichienne. » Même reconnu, il eût passé ; peu de gens auraient eu le cœur de mettre la main sur lui. Mais la vue seule de la reine réveillait toutes les craintes, faisait sentir, même aux royalistes, le danger de la laisser conduire ainsi le roi de France aux armées de l’étranger.