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Nord branlait. La révolution de Pologne était imminente ; elle éclata au printemps (3 mai) et prépara un nouveau démembrement. Les autres États destinés à être absorbés tôt ou tard, la Turquie, la Suède, étaient ajournés. Mais déjà Liège et le Brabant venaient d’être dévorés. Le tour de la France arrivait, dès qu’elle serait assez mûre. « Les rois, dit Camille Desmoulins, ayant goûté du sang des peuples, ne s’arrêteront pas aisément. On sait que les chevaux de Diomède, ayant une fois mangé de la chair humaine, ne voulurent plus rien autre chose. »

Seulement il fallait que la France devînt mûre et tendre, avant d’y mettre la dent, qu’elle s’affaiblît, se mortifiât par la guerre civile. On l’y encourageait fort. La grande Catherine écrivait à la reine, pour l’animer à la résistance, cette parole qui vise au sublime : « Les rois doivent suivre leur marche sans s’inquiéter des cris du peuple, comme la lune suit son cours sans être arrêtée par les aboiements des chiens. » Imitation burlesque de Lefranc de Pompignan, ici d’autant plus ridicule que, pour suivre la comparaison, la lune se trouvait très réellement arrêtée.

Pour la tirer de cette éclipse, l’excellente Catherine animait toute l’Europe, agissait énergiquement de la plume et de la langue. Si elle pouvait, en effet, par la délivrance du roi, déchaîner la guerre civile, puis mettre tous les rois aux prises sur le cadavre de la France, combien lui serait-il facile, assise dans